jeudi 7 juillet 2022

Lecture

 

 

C'est très beau. D'une richesse rare. Le seul reproche qu'on pourrait faire à Madame Yourcenar serait peut-être d’avoir des dialogues trop bien écrits. Quelle que soit la situation, les protagonistes du roman s’expriment immanquablement dans une prose impeccable avec un phrasé parfaitement rythmé. C’est un grand plaisir de lecture mais c'est difficilement crédible en tant que propos énoncés par des personnages. Exemple :


On peut parier que si quelqu'un s'exprimait ainsi aujourd'hui, il risquerait fort d'être incompris.

mercredi 6 juillet 2022

Revu




 Ludwig : Le Crépuscule des dieux, Luchino Visconti (1973)

Je l'avais déjà vu, il y a fort longtemps un soir à la télé. Là, je viens de visionner la version longue, près de trois heures qui mériteraient peut-être un élagage mais que j'ai aimée ainsi, avec ses longueurs, sa lenteur, ses passages anecdotiques en comparaison avec les scènes à haute tension où s'exprime la folie et la démesure du personnage. Comment Visconti est-il parvenu à obtenir une telle qualité de jeu chez Helmut Berger, aussi convainquant en alcoolique bouffi exhibant des dents pourries qu'en jeune homme romantique et flamboyant ? C'est un mystère de plus dans cette réinterprétation visionnaire d'une figure historique particulièrement deranged. Visconti s'est entièrement investi dans le récit de ce destin tragique qui voit un esthétisme aristocratique exacerbé se heurter aux pesanteurs du pouvoir. Romy Schneider réapparait dans le rôle de l'impératrice d'Autriche mais cette fois avec l'insolence et l'arrogance qui convient au personnage. On comprend que le roi wagnérien soit tombé sous le charme irrésistible de sa cousine. Ludwig est aussi un film sur la déchéance physique et mentale d'un homme trop sensible pour pouvoir supporter le décalage avec la société de son temps.

lundi 4 juillet 2022

Vu

 



Gun Crazy, Joseph H. Lewis (1950)

Le film suit une trame qui nous paraît familière parce qu'elle est réapparue vingt ans plus tard dans des films emblématiques d'une certaine idéalisation des hors-la-loi : un couple, des armes, le refus d'une vie normée, un court moment de grâce et de liberté puis la chasse à l'homme et la fin inéluctable. On sait dès le premier regard entre elle et lui que cela se finira par la mort des protagonistes ; c'est ce qui en fait un film noir, c'est-à-dire une tragédie hantée par la fatalité. J'ai perdu le fil de ce qui me parait le plus important. Il y a des braquages, des coups de feu et des sirènes de voitures de police, oui mais ce n'est pas pour autant un simple polar. C'est aussi et surtout un film sur l'amour fou, explosif, déraisonnable et asocial ; l'amour envisagé, selon l'expression d'Annie Le Brun,  comme "une association de malfaiteurs".

dimanche 3 juillet 2022

Dans la galerie virtuelle du GFIV

 

Victor Brauner, La leçon de Twist, 1962

Albrecht Dürer, Stag Beetle, 1505


Edvard Munch, Picture of his dog, Fips, 1930

Suite à une erreur temporelle (se croire le dimanche lorsqu'on est un samedi), nous vous proposons donc cette visite virtuelle aujourd'hui.

vendredi 1 juillet 2022

Lu

 

 

"L'été, la mode, ou le soin de sa santé, qui est aussi une mode, veut que l'on voyage." Le ton est donné dès l'incipit : il est à la lucidité désabusée parfois proche du dégoût. Le narrateur du roman cède à cette obligation sociale du déplacement, ce qui l'ennuie prodigieusement comme il ne cesse de le répéter. Le lecteur, lui, se régale de cette écriture incisive, étonnement moderne. On apprécie également la sensibilité anarchiste (assez proche d'un Georges Darien) qui nomme et identifie sans complaisance ceux qui s'enrichissent et profitent de leur position sociale sans épargner les membres  bas peuple dont le principal regret est de ne pas se trouver à la place d'un dominant. Pour tenter de se distraire de son ennui, le narrateur rencontre d'autres vacanciers dans son lieu de villégiature. Le roman est une sorte de collage des différents récits collectés pendant ce séjour dans les Pyrénées. Presque tous dévoilent des aspects peu reluisants voire franchement glauques de l'humanité. Le roman se termine par une visite à une ancienne relation du narrateur, un écrivain prometteur précocement retiré dans un endroit perdu dans la montagne. C'est glaçant, comme si le narrateur avait rencontré la mort elle-même.

 Sa réaction, dans les dernières lignes : "J'ai commandé le guide qui doit me ramener vers les hommes, la vie, la lumière... Dès l'aube, demain, je partirai..."

Lecture recommandée (sauf peut-être si vous cherchez un livre feel-good pour la plage).