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vendredi 27 mai 2022

Ecrire mal, c'est bien écrire

 

Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Maurice Blanchot dans Qui vive ?, un ouvrage collectif publié chez Corti en 1989 à l'occasion de la parution du premier volume des œuvres de Julien Gracq dans la Pléiade. J'ai trouvé ce texte reproduit intégralement un vieux numéro du Magazine littéraire. J'aime bien parcourir de temps en temps un ancien exemplaire de cette revue. Rien que la liste impressionnante des romans et des auteurs ayant totalement sombré dans l'oubli, cela donne un recul salutaire par rapport aux abondantes parutions contemporaines. Et puis il y a les écrivains qu'on lit et qu'on relira toujours.  Julien Gracq figure bien sûr parmi eux. Dans "Grève désolée, obscur malaise", Blanchot développe une analyse du style de Gracq qui va à l'encontre d'une idées reçue bien établie concernant l'usage des adjectifs. Blanchot cite d'abord un passage d'Un beau ténébreux où ceux-ci se bousculent.

 

Puis il rappelle le principe de base de la rhétorique selon lequel le mot "court à sa perte quand les adjectifs en sortent à la queue leu leu". Leur accumulation entraine en effet lenteur et lourdeur. Mais, objecte Blanchot, "il reste qu'un écrivain peut avoir envie d'être pesant. Il lui est peut-être nécessaire d'avancer sur un chemin qu'il encombre à mesure qu'il le dégage." 

L'accumulation des adjectif a sur l'imagination du lecteur qui ne distingue pas clairement ce qui lui est proposé, devant un amas de choses inorganisées "où il n'y a plus de classement à faire ni de perspective à tracer."

Pour Blanchot, "le monde de Gracq est un monde de qualités, c'est-à-dire magique" et dans ce monde, il ne peut rien se passer. D'où les descriptions qui s'étendent indéfiniment en un long prélude, dans l'attente d'un évènement sans cesse reporté.