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lundi 23 mai 2022

Lu

 

J'appréhendais le moment de finir ce livre. C'est à ce genre de signe qu'on peut mesurer le plaisir pris à la lecture d'un roman. La dernière fois que j'ai vécu une expérience de lecture de cette ampleur, c'était pour Sodome et Gomorrhe. C'est rare. On est tellement loin de ces romans contemporains où l'auteur tire laborieusement le fil d'une ou deux idées avec plus ou moins d'habileté. A chaque fois que je reprenais la lecture de L'Idiot, à peine le livre entrouvert, le souffle romanesque s'abattait sur moi et m'emportait.

Extrait : Une grande réception se prépare chez les Epantchine. Aglaé, une des filles de la maison, s'adresse au Prince.

"- Saurez-vous accepter et boire convenablement une tasse de thé quand tout le monde aura exprès les yeux fixés sur vous ?

- Je crois que le saurai.

- Dommage ; sans cela j'aurais eu une occasion de rire. Cassez au moins le vase de Chine qui est au salon ! Il coûte cher ; je vous en prie, cassez-le ; c'est un cadeau, maman serait folle et fondrait en larmes devant tout le monde, tant elle y tient. Faites un geste quelconque, comme vous en faites toujours, poussez le vase et cassez-le. Asseyez-vous exprès à côté.

- Bien au contraire, je tâcherai de m'asseoir le plus loin possible, merci de lm'avoir prévenu.

- C'est donc que vous craignez d'avance de faire de grands gestes. Je parie que vous allez aborder un "sujet", quelque chose de sérieux, de savant, d'élevé ? Comme ce sera... convenable !

- Je pense que ce serait stupide... si c'était hors de propos.

- Écoutez-moi une fois pour toutes, s'écria Aglaé n'y tenant plus. Si vous vous mettez à parler de quelque chose dans le genre de la peine de mort, ou de la situation économique de la Russie, ou encore du "monde qui sera sauvé par la beauté", alors... je serai bien sûr ravie, et je rirai beaucoup, mais... je vous avertis à l'avance : ne reparaissez plus devant mes yeux ! Vous m'entendez : je parle sérieusement ! Cette fois c'est tout à fait sérieux !"

mardi 3 mai 2022

Entre rêve et réalité

La traduction de L'Idiot que je suis en train de lire a été réalisée par G. et G. Arout en 1946. Ces initiales ne sont pas, comme je l'ai d'abord cru, celles d'un couple. Il s'agit en fait de Georges Arout et de son frère Gabriel. Au sujet des traductions des écrits de Dostoïevski (et des traductions en général), il existe parait-il deux écoles : d'un côté, ceux qui restent fidèles au texte original sans chercher à le rendre plus agréable ou plus clair et de l'autre ceux qui adaptent le texte pour en faciliter la lecture en français. Cette traduction semble appartenir à la deuxième catégorie ; la prose est fluide, rarement confuse, même lorsque les idées exprimées par l'auteur sont quelque peu obscures.

Extrait :


 

mardi 26 avril 2022

Lecture

Un passage de L'Idiot où la conversation aborde, dans une mise en abîme, le thème de la littérature russe et celui de ses écrivains.

Extrait :

"- Prétendez-vous aussi que notre littérature elle non plus n'ait rien donné de national ? l'interrompit Alexandra Ivanovna.

- Je ne suis guère compétent en littérature, mais à mon sens toute notre littérature non plus n'est pas russe, à part peut-être Lomonossov, Pouchkine et Gogol.

- Premièrement, ce n'est pas peu et deuxièmement, l'un d'entre eux est issu du peuple et les deux autres de la classe des propriétaires, dit en riant Adélaïde.

- C'est exact, mais ne triomphez pas. Car, de tous les écrivains russes, ces trois-là ont seuls réussi à dire chacun quelque chose à lui, quelque chose de personnel,sans emprunt à qui que ce soit, et c'est par cela que ces trois-là sont devenus aussitôt des écrivains nationaux. Celui des Russes qui dit, écrit ou fait quelque chose qui est bien de lui, qui lui est rigoureusement personnel et non pas emprunté, devient infailliblement national, même s'il parle mal de russe. Pour moi c'est un axiome."

Dostoïevski, L'Idiot

mercredi 20 avril 2022

Lecture

 

Deuxième partie de L’Idiot : beaucoup d’agitation et de confusion accentuée encore par l’intervention de nombreux personnages pas toujours faciles à identifier. Au milieu de ce chaos hystérique, le prince Muichkine ne cesse de fasciner par sa manière de suivre sans jamais s’en écarter sa voie personnelle qui se dessine à travers chacune de ses réactions. Il ne semble pas guidé par de grands principes abstraits (moraux ou religieux) mais semble au contraire réagir en tâtonnant et en hésitant, comme s’il inventait dans l’instant une certaine manière de se comporter vis-à-vis du monde extérieur. C’est ce qui donne à ses interlocuteurs l’impression d’avoir tantôt affaire à un naïf un peu simplet ou au contraire à une personne d'une grande lucidité capable de déjouer calmement les manœuvres les plus tortueuses.

PS : pas réussi à trouver le roman dans mon édition sur Internet. Celle-ci, datée de 1947, est celle qui s'en rapproche le plus.


mercredi 6 avril 2022

Moments suprêmes

 

Deuxième partie, début du chapitre 5. Le prince déambule dans la ville dans un état de "grande inquiétude". Ses déplacements et ses attitudes sont décrits de l'extérieur, un peu comme dans les romans noirs. Il se retourne régulièrement comme s'il sentait une présence et en vient à s'interroger : son "ancienne maladie" est-elle de retour ? Tout en craignant le retour des crises épileptiques, il songe avec une sorte de nostalgie à ces "moments fulgurants" qui précédent la crise, lorsque "la sensation de vie, la conscience de soi-même paraissaient décuplés". Peu importe, pense-t-il alors, que ces états soient maladifs. 

Un peu plus loin, on apprendra que l'impression d'être observé dans la rue était justifiée. Il s'agissait de Rogojine, le frère ennemi du prince Mychkine, qui viendra le secourir lorsqu'il s'évanouira au cours de la crise qu'il avait sentie venir. Ils sont tous les deux amoureux de la l'imprévisible Nastasia Philippovna, personnage extrémiste dont nous reparlerons.