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jeudi 7 juillet 2022

Lecture

 

 

C'est très beau. D'une richesse rare. Le seul reproche qu'on pourrait faire à Madame Yourcenar serait peut-être d’avoir des dialogues trop bien écrits. Quelle que soit la situation, les protagonistes du roman s’expriment immanquablement dans une prose impeccable avec un phrasé parfaitement rythmé. C’est un grand plaisir de lecture mais c'est difficilement crédible en tant que propos énoncés par des personnages. Exemple :


On peut parier que si quelqu'un s'exprimait ainsi aujourd'hui, il risquerait fort d'être incompris.

vendredi 1 juillet 2022

Lu

 

 

"L'été, la mode, ou le soin de sa santé, qui est aussi une mode, veut que l'on voyage." Le ton est donné dès l'incipit : il est à la lucidité désabusée parfois proche du dégoût. Le narrateur du roman cède à cette obligation sociale du déplacement, ce qui l'ennuie prodigieusement comme il ne cesse de le répéter. Le lecteur, lui, se régale de cette écriture incisive, étonnement moderne. On apprécie également la sensibilité anarchiste (assez proche d'un Georges Darien) qui nomme et identifie sans complaisance ceux qui s'enrichissent et profitent de leur position sociale sans épargner les membres  bas peuple dont le principal regret est de ne pas se trouver à la place d'un dominant. Pour tenter de se distraire de son ennui, le narrateur rencontre d'autres vacanciers dans son lieu de villégiature. Le roman est une sorte de collage des différents récits collectés pendant ce séjour dans les Pyrénées. Presque tous dévoilent des aspects peu reluisants voire franchement glauques de l'humanité. Le roman se termine par une visite à une ancienne relation du narrateur, un écrivain prometteur précocement retiré dans un endroit perdu dans la montagne. C'est glaçant, comme si le narrateur avait rencontré la mort elle-même.

 Sa réaction, dans les dernières lignes : "J'ai commandé le guide qui doit me ramener vers les hommes, la vie, la lumière... Dès l'aube, demain, je partirai..."

Lecture recommandée (sauf peut-être si vous cherchez un livre feel-good pour la plage).

lundi 30 mai 2022

Lecture

 

Illustration : Victor-Armand Poirson

Flaubert soigne les détails lors des apparitions de sa flamboyante héroïne :

Il faut dire que l'avalanche de détails, fruit d'une recherche documentaire historique et de repérages sur les lieux de l'action, peut parfois paraitre excessive. Il ne faudrait pas cependant que ces énumérations dissimulent au lecteur les paragraphes qui s'apparentent à de véritables poèmes en prose.

 

lundi 23 mai 2022

Lu

 

J'appréhendais le moment de finir ce livre. C'est à ce genre de signe qu'on peut mesurer le plaisir pris à la lecture d'un roman. La dernière fois que j'ai vécu une expérience de lecture de cette ampleur, c'était pour Sodome et Gomorrhe. C'est rare. On est tellement loin de ces romans contemporains où l'auteur tire laborieusement le fil d'une ou deux idées avec plus ou moins d'habileté. A chaque fois que je reprenais la lecture de L'Idiot, à peine le livre entrouvert, le souffle romanesque s'abattait sur moi et m'emportait.

Extrait : Une grande réception se prépare chez les Epantchine. Aglaé, une des filles de la maison, s'adresse au Prince.

"- Saurez-vous accepter et boire convenablement une tasse de thé quand tout le monde aura exprès les yeux fixés sur vous ?

- Je crois que le saurai.

- Dommage ; sans cela j'aurais eu une occasion de rire. Cassez au moins le vase de Chine qui est au salon ! Il coûte cher ; je vous en prie, cassez-le ; c'est un cadeau, maman serait folle et fondrait en larmes devant tout le monde, tant elle y tient. Faites un geste quelconque, comme vous en faites toujours, poussez le vase et cassez-le. Asseyez-vous exprès à côté.

- Bien au contraire, je tâcherai de m'asseoir le plus loin possible, merci de lm'avoir prévenu.

- C'est donc que vous craignez d'avance de faire de grands gestes. Je parie que vous allez aborder un "sujet", quelque chose de sérieux, de savant, d'élevé ? Comme ce sera... convenable !

- Je pense que ce serait stupide... si c'était hors de propos.

- Écoutez-moi une fois pour toutes, s'écria Aglaé n'y tenant plus. Si vous vous mettez à parler de quelque chose dans le genre de la peine de mort, ou de la situation économique de la Russie, ou encore du "monde qui sera sauvé par la beauté", alors... je serai bien sûr ravie, et je rirai beaucoup, mais... je vous avertis à l'avance : ne reparaissez plus devant mes yeux ! Vous m'entendez : je parle sérieusement ! Cette fois c'est tout à fait sérieux !"

jeudi 19 mai 2022

Lecture

 

 

Je viens de terminer la lecture de L'Idiot (ça finit mal) et là, je commence celle de Salammbô. Il s'agit d'un livre ancien, une édition pour bibliophiles de 1954 "réservée aux seuls membres du CLUB DU BEAU LIVRE DE FRANCE" avec un tirage 3000 exemplaires numérotés. La maquette n'est pas renversante mais il y a des efforts.


 

Avantage avec les écrivains de chez nous : une seule version, pas de problème de traduction. J'ai vérifié à partir d'un fichier PDF, c'est le texte intégral.

Voilà. Il ne reste plus qu'à s'installer pour commencer la lecture.



mardi 3 mai 2022

Entre rêve et réalité

La traduction de L'Idiot que je suis en train de lire a été réalisée par G. et G. Arout en 1946. Ces initiales ne sont pas, comme je l'ai d'abord cru, celles d'un couple. Il s'agit en fait de Georges Arout et de son frère Gabriel. Au sujet des traductions des écrits de Dostoïevski (et des traductions en général), il existe parait-il deux écoles : d'un côté, ceux qui restent fidèles au texte original sans chercher à le rendre plus agréable ou plus clair et de l'autre ceux qui adaptent le texte pour en faciliter la lecture en français. Cette traduction semble appartenir à la deuxième catégorie ; la prose est fluide, rarement confuse, même lorsque les idées exprimées par l'auteur sont quelque peu obscures.

Extrait :


 

vendredi 29 avril 2022

La promenade au jardin de la gare

Nastasia Philippovna, suivie d'une cour de prétendants. Une remarque vexante et Nastasia Philippovna se saisi d'une badine pour fouetter le visage de l'arrogant officier. Le Prince réalise soudain que celle dont il est amoureux est complètement folle.


 

mardi 26 avril 2022

Lecture

Un passage de L'Idiot où la conversation aborde, dans une mise en abîme, le thème de la littérature russe et celui de ses écrivains.

Extrait :

"- Prétendez-vous aussi que notre littérature elle non plus n'ait rien donné de national ? l'interrompit Alexandra Ivanovna.

- Je ne suis guère compétent en littérature, mais à mon sens toute notre littérature non plus n'est pas russe, à part peut-être Lomonossov, Pouchkine et Gogol.

- Premièrement, ce n'est pas peu et deuxièmement, l'un d'entre eux est issu du peuple et les deux autres de la classe des propriétaires, dit en riant Adélaïde.

- C'est exact, mais ne triomphez pas. Car, de tous les écrivains russes, ces trois-là ont seuls réussi à dire chacun quelque chose à lui, quelque chose de personnel,sans emprunt à qui que ce soit, et c'est par cela que ces trois-là sont devenus aussitôt des écrivains nationaux. Celui des Russes qui dit, écrit ou fait quelque chose qui est bien de lui, qui lui est rigoureusement personnel et non pas emprunté, devient infailliblement national, même s'il parle mal de russe. Pour moi c'est un axiome."

Dostoïevski, L'Idiot

mercredi 20 avril 2022

Lecture

 

Deuxième partie de L’Idiot : beaucoup d’agitation et de confusion accentuée encore par l’intervention de nombreux personnages pas toujours faciles à identifier. Au milieu de ce chaos hystérique, le prince Muichkine ne cesse de fasciner par sa manière de suivre sans jamais s’en écarter sa voie personnelle qui se dessine à travers chacune de ses réactions. Il ne semble pas guidé par de grands principes abstraits (moraux ou religieux) mais semble au contraire réagir en tâtonnant et en hésitant, comme s’il inventait dans l’instant une certaine manière de se comporter vis-à-vis du monde extérieur. C’est ce qui donne à ses interlocuteurs l’impression d’avoir tantôt affaire à un naïf un peu simplet ou au contraire à une personne d'une grande lucidité capable de déjouer calmement les manœuvres les plus tortueuses.

PS : pas réussi à trouver le roman dans mon édition sur Internet. Celle-ci, datée de 1947, est celle qui s'en rapproche le plus.


vendredi 15 avril 2022

Lecture

 

Mirbeau a défendu les idéaux anarchistes sans s'affilier à un groupe. En peinture, il prit parti pour l'avant garde contre les académismes de son temps. Collectionneur, il fit preuve d'un goût très sûr (en achetant par exemple Les Tournesols de Van Gogh). Zola salua en lui "le justicier qui a donné son cœur aux misérables et aux souffrants de ce monde." C'est bien joli, mais de belles idées et des engagements respectables (défense de Dreyfus, d'Oscar Wilde) ne débouchent pas toujours sur de la bonne littérature. 

Lisons les premières lignes de ce roman, cela trompe rarement. 

"L'été, la mode, ou le soin de sa santé, qui est aussi une mode, veut que l'on voyage. Quand on est un bourgeois cossu, bien obéissant, respectueux des usages mondains, il faut à une certaine époque de l'année, quitter ses affaires, ses plaisirs, ses bonnes paresses, ses chères intimités, pour aller, sans trop savoir pourquoi, se plonger dans le grand tout." 

Nous voilà rassurés.

mercredi 13 avril 2022

Lu

 

J'avais rencontré lors d'un rendez-vous dans un café devant la Sorbonne une prof de fac du genre excentrique qui devait diriger ma thèse de doctorat. Je lui avais demandé quels étaient ses auteurs de référence et elle avait cité Valéry. La thèse ne s'est pas faite et le livre est longtemps resté abandonné sur une étagère. Mais comme je passe systématiquement en revue les "non lus" en stock dans la bibliothèque, son tour est venu.

Mon impression générale est mitigée. De nombreuses réflexions me sont passées au-dessus de la tête. Il m'arrivait souvent de ne pas comprends l'objet et l'intérêt de ce que je lisais. J'appréciais le style.

Au milieu de ces pages légèrement soporifiques éclatait de temps à autre une pensée qui frappait juste.

 Petite sélection :

"Une chose réussie est une transformation d'une chose manquée. Donc une chose manquée n'est manquée que par abandon."

De temps en temps, une phrase comme échappée d'un poème en prose, comme celle-ci : "Un homme n'est qu'un poste d'observation perdu dans l'étrangeté."

Pour finir, une réflexion sur le souvenir des "évènements de la sensibilité".

"Nous retrouverons, peut-être, par accident, le souvenir de la figure de ces état critiques ; mais non la morsure, la chaleur, l'espèce particulière de douceur ou de vigueur infinie qui leur donnèrent en leur temps une importance incomparable. Notre passé se représente, mais il a perdu son énergie." 

Parfois, un souvenir peut être "d'une présence insupportable". "Rien n'explique l'inégalité de destin de nos impressions".



mercredi 6 avril 2022

Moments suprêmes

 

Deuxième partie, début du chapitre 5. Le prince déambule dans la ville dans un état de "grande inquiétude". Ses déplacements et ses attitudes sont décrits de l'extérieur, un peu comme dans les romans noirs. Il se retourne régulièrement comme s'il sentait une présence et en vient à s'interroger : son "ancienne maladie" est-elle de retour ? Tout en craignant le retour des crises épileptiques, il songe avec une sorte de nostalgie à ces "moments fulgurants" qui précédent la crise, lorsque "la sensation de vie, la conscience de soi-même paraissaient décuplés". Peu importe, pense-t-il alors, que ces états soient maladifs. 

Un peu plus loin, on apprendra que l'impression d'être observé dans la rue était justifiée. Il s'agissait de Rogojine, le frère ennemi du prince Mychkine, qui viendra le secourir lorsqu'il s'évanouira au cours de la crise qu'il avait sentie venir. Ils sont tous les deux amoureux de la l'imprévisible Nastasia Philippovna, personnage extrémiste dont nous reparlerons.