Vladimir Nabokov, Littératures
"Tu me demandes, Lucilius, pourquoi des personnes qui ont appelé à faire barrage à l'extrême droite lors du second tour de l'élection présidentielle, et donc incité avec des tremolos dans la voix les gens de gauche à voter pour leur candidat, oublient quelques semaines après ces beaux préceptes et, au nom de la simple volonté de garder le pouvoir, minimisent à présent la menace de l'extrême droite et diabolisent en retour ceux et celles qui, alliés de circonstances, étaient sommés de s'y opposer. La réponse n'est pas très difficile à énoncer: ce sont des jean-foutre et la providence, en sa sagesse infinie, les confondra bientôt comme tels."
Richard Diebenkorn, Girl with Flowered Background, 1962
"I always forget how important the empty days are, how important it may be sometimes not to expect to produce anything, even a few lines in a journal. A day when one has not pushed oneself to the limit seems a damaged, damaging day, a sinful day. Not so! The most valuable thing one can do for the psyche, occasionally, is to let it rest, wander, live in the changing light of a room." May Sarton, Journal of a Solitude
Trouvé sur le compte Instagram de la Richard Diebenkorn Foundation.
Extrait :
"- Prétendez-vous aussi que notre littérature elle non plus n'ait rien donné de national ? l'interrompit Alexandra Ivanovna.
- Je ne suis guère compétent en littérature, mais à mon sens toute notre littérature non plus n'est pas russe, à part peut-être Lomonossov, Pouchkine et Gogol.
- Premièrement, ce n'est pas peu et deuxièmement, l'un d'entre eux est issu du peuple et les deux autres de la classe des propriétaires, dit en riant Adélaïde.
- C'est exact, mais ne triomphez pas. Car, de tous les écrivains russes, ces trois-là ont seuls réussi à dire chacun quelque chose à lui, quelque chose de personnel,sans emprunt à qui que ce soit, et c'est par cela que ces trois-là sont devenus aussitôt des écrivains nationaux. Celui des Russes qui dit, écrit ou fait quelque chose qui est bien de lui, qui lui est rigoureusement personnel et non pas emprunté, devient infailliblement national, même s'il parle mal de russe. Pour moi c'est un axiome."
Dostoïevski, L'Idiot
J'avais rencontré lors d'un rendez-vous dans un café devant la Sorbonne une prof de fac du genre excentrique qui devait diriger ma thèse de doctorat. Je lui avais demandé quels étaient ses auteurs de référence et elle avait cité Valéry. La thèse ne s'est pas faite et le livre est longtemps resté abandonné sur une étagère. Mais comme je passe systématiquement en revue les "non lus" en stock dans la bibliothèque, son tour est venu.
Mon impression générale est mitigée. De nombreuses réflexions me sont passées au-dessus de la tête. Il m'arrivait souvent de ne pas comprends l'objet et l'intérêt de ce que je lisais. J'appréciais le style.
Au milieu de ces pages légèrement soporifiques éclatait de temps à autre une pensée qui frappait juste.
Petite sélection :
"Une chose réussie est une transformation d'une chose manquée. Donc une chose manquée n'est manquée que par abandon."
De temps en temps, une phrase comme échappée d'un poème en prose, comme celle-ci : "Un homme n'est qu'un poste d'observation perdu dans l'étrangeté."
Pour finir, une réflexion sur le souvenir des "évènements de la sensibilité".
"Nous retrouverons, peut-être, par accident, le souvenir de la figure de ces état critiques ; mais non la morsure, la chaleur, l'espèce particulière de douceur ou de vigueur infinie qui leur donnèrent en leur temps une importance incomparable. Notre passé se représente, mais il a perdu son énergie."
Parfois, un souvenir peut être "d'une présence insupportable". "Rien n'explique l'inégalité de destin de nos impressions".
Deuxième partie, début du chapitre 5. Le prince déambule dans la ville dans un état de "grande inquiétude". Ses déplacements et ses attitudes sont décrits de l'extérieur, un peu comme dans les romans noirs. Il se retourne régulièrement comme s'il sentait une présence et en vient à s'interroger : son "ancienne maladie" est-elle de retour ? Tout en craignant le retour des crises épileptiques, il songe avec une sorte de nostalgie à ces "moments fulgurants" qui précédent la crise, lorsque "la sensation de vie, la conscience de soi-même paraissaient décuplés". Peu importe, pense-t-il alors, que ces états soient maladifs. Un peu plus loin, on apprendra que l'impression d'être observé dans la rue était justifiée. Il s'agissait de Rogojine, le frère ennemi du prince Mychkine, qui viendra le secourir lorsqu'il s'évanouira au cours de la crise qu'il avait sentie venir. Ils sont tous les deux amoureux de la l'imprévisible Nastasia Philippovna, personnage extrémiste dont nous reparlerons.