"Tu me demandes, Lucilius, pourquoi des personnes qui ont appelé à faire barrage à l'extrême droite lors du second tour de l'élection présidentielle, et donc incité avec des tremolos dans la voix les gens de gauche à voter pour leur candidat, oublient quelques semaines après ces beaux préceptes et, au nom de la simple volonté de garder le pouvoir, minimisent à présent la menace de l'extrême droite et diabolisent en retour ceux et celles qui, alliés de circonstances, étaient sommés de s'y opposer. La réponse n'est pas très difficile à énoncer: ce sont des jean-foutre et la providence, en sa sagesse infinie, les confondra bientôt comme tels."
"Notes sur les législatives en cours
1°) Qu’on le veuille ou non, la gauche a déjà gagné sinon dans les urnes, du moins dans les esprits. La Nupes n’est pas une simple alliance électorale mais un acte de refondation de la gauche française au 21ème siècle. C’est si l’on veut une sorte de Congrès de Tours à l’envers où s’uniraient les socialistes, les communistes et cette nouvelle force politique de gauche apparue dans le dernier tiers du 20ème siècle : les écologistes. Ce qui fait la force de la Nupes, c’est qu’elle est une alliance idéologique mais aussi, et surtout, une force générationnelle. C’est une nouvelle génération de femmes et d’hommes politiques, d’horizon sociologique très divers, qui prend le pouvoir. Cinq ans au coude à coude dans les travées de l’Assemblée Nationale devraient les souder plus encore. C’est pour quoi on est loin d’en avoir fini avec la Nupes.
2°) En 2017, Macron avait surfé comme un dandy de la politique sur la disparition du clivage gauche-droite. En somme, il avait réinventé le centre qui, comme le disait un observateur assez compétent de la vie politique française (François Mitterrand) est toujours de droite. Si la présidentielle a été un non-événement qui pourrait se payer cher, ces législatives sont en revanche fractales. Elles ressuscitent le clivage gauche-droite sans lequel il n’y a pas de fonctionnement républicain possible. Bref, quel qu’en soit le résultat, ces législatives sont déjà une excellente nouvelle. Le politique vient de ressusciter dans notre vieille nation et quelque chose me dit qu’on ne le fera pas rentrer de sitôt dans sa boîte.
3°) Il y a, il faut maintenant le dire, une alliance objective entre Macron et l’extrême droite. Du reste, Marine Le Pen avait craché le morceau lorsqu’elle avait déclaré au début de la campagne des législatives qu’il était « normal que le Président de la République dispose d’une majorité pour gouverner ». Cela explique les atermoiements actuels du parti présidentiel concernant le front républicain. En effet, en cas plus que probable d’une majorité relative à la Chambre (laquelle d’ailleurs a plus de chance d’échoir à la Nupes qu’à Ensemble) il est nécessaire pour Macron que le Rassemblement National dispose d’un groupe parlementaire pour scinder un peu plus les oppositions. Or, si le front républicain s’appliquait exactement, ce ne serait pas le cas.
4) Oui, la Nupes peut l’emporter dimanche prochain. Contrairement à ce qu’ont affirmé les politologues de plateau TV, c’est elle qui dispose de la plus grande réserve de voix. Problème : elle est à chercher chez les abstentionnistes. On le sait, ce sont les jeunes qui se sont majoritairement abstenus au premier tour. On le sait aussi : les jeunes ont majoritairement voté pour Mélenchon à la présidentielle. Donc, en toute logique, si les jeunes vont voter dimanche, ils voteront pour la Nupes. Ils ont intérêt à le faire. Sinon, ils s’en mordront les doigts à ne plus pouvoir jouer à la Playstation pendant des lustres."
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